Plan d’action pour l’haliotide pie (Haliotis kamtschatkana) au Canada

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2. Mesures de Rétablissement

2.1 Portée du plan d’action

Le présent plan d’action couvre l’ensemble des buts et des objectifs du Programme de rétablissement de l’haliotide pie au Canada (2007) (voir la section 1.8 du présent plan d’action).

2.2 Habitat essentiel

2.2.1 Désignation de l’habitat essentiel de l’haliotide pie

Selon le paragraphe 2(1), l’habitat d’une espèce aquatique en péril est définit comme suit : « les frayères, aires d’alevinage, de croissance et d’alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s’est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire. »

Selon le paragraphe 2(1) de la LEP, l’habitat essentiel est défini comme suit : « L’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce. »

L’habitat essentiel de l’haliotide pie a été désigné, dans la mesure du possible, en fonction des meilleurs renseignements disponibles. L’habitat essentiel désigné dans le présent plan d’action correspond aux zones géographiques qui présentent des habitats nécessaires à la survie ou au rétablissement de l’espèce. La zone actuellement relevée semble être suffisante pour que les objectifs en matière de population et de répartition soient atteints pour l’espèce. La pêche illégale étant considérée comme la plus importante menace pesant sur le rétablissement de l’haliotide pie, aucune information géospatiale détaillée ne sera divulguée dans le registre public de la LEP, comme l’exige l’article 124 de la LEP.

2.2.2 Information et méthodes utilisées pour désigner l’habitat essentiel

On a relevé les emplacements géographiques, les fonctions biophysiques, les caractéristiques et les attributs de l’habitat essentiel selon la meilleure information disponible, y compris Northern Abalone, Haliotis kamtschatkana, in British Columbia: fisheries and synopsis of life history information (Sloan et Breen, 1988); Northern Abalone Case Study for the Determination of SARA Critical Habitat (Jamieson et al., 2004);  Describing Northern Abalone, Haliotis kamtschatkana, habitat: focusing rebuilding efforts in British Columbia, Canada (Lessard et al., 2007).

L’haliotide pie est présente dans une grande variété d’habitats. On la rencontre aussi bien dans des eaux côtières exposées ou semi-exposées que dans l’étage inférieur de la zone intertidale ou la zone infralittorale peu profonde (MPO, 2007). La population d’haliotides pies a décliné, mais l’habitat disponible de l’espèce n’a connu aucune réduction importante. La perte de l’habitat ne semble donc pas une menace majeure pour le rétablissement de l’haliotide pie (Lessard et al., 2007; MPO, 2007; COSEPAC, 2009). L’habitat essentiel de l’haliotide pie n’est pas limité. Qui plus est, la superficie nécessaire au rétablissement de l’espèce est inférieure à celle qu’occupe actuellement la population (COSEPAC, 2009).

L’habitat essentiel de l’haliotide pie se situe dans quatre zones géospatiales distinctes (figure 3). L’Équipe de rétablissement de l’haliotide et le Groupe de mise en œuvre du rétablissement de l’haliotide estiment que ces quatre zones sont nécessaires à la survie et au rétablissement de l’espèce : 1) les secteurs nord et centre de la côte de la Colombie‑Britannique; 2) la côte est de Haida Gwaii (îles de la Reine-Charlotte); 3) la baie Barkley; 4) la côte ouest de Haida Gwaii.

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Figure 3. Quatre zones géospatiales distinctes représentant l’habitat essentiel de l’haliotide pie dans les eaux canadiennes du Pacifique.

zones géospatiales

Les deux premières zones correspondent aux endroits où le gros de la pêche commerciale a été pratiqué dans le passé (Farlinger, 1990; Harbo et Hobbs, 1997). Depuis 1978, on effectue tous les trois à cinq ans des relevés sur des sites repères pour établir une série chronologique des densités et des fréquences de taille pour la population d’haliotides pies présente dans le secteur centre de la côte de la Colombie‑Britannique et sur les côtes de Haida Gwaii (Adkins et Stefanson, 1979; Breen et Adkins, 1979; Hankewich et al., 2008; Hankewich et Lessard, 2008). Le choix des sites étudiés est basé sur leur abondance en stocks d’haliotides pies exploitables commercialement. Ces deux zones ont servi de fondement pour l’évaluation de l’état de la population d’haliotides pies. La troisième zone a été désignée en tant qu’importante zone de reconstitution des stocks et comporte plusieurs sites établis depuis 2002 (Agence Parcs Canada, données non publiées; MPO, données non publiées). La quatrième zone présente des caractéristiques semblables à celles de la côte est de Haida Gwaii, selon l’information tirée de sites établis en 2008 (MPO, données non publiées).

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2.2.3 Zones géospatiales d’habitat essentiel

À l’intérieur des quatre zones décrites ci-devant, l’habitat essentiel n’est pas présent sur toute la superficie comprise dans les limites établies, mais plutôt aux endroits où se trouvent les attributs biophysiques qui suivent. L’habitat essentiel de l’haliotide pie est désigné sur des sites d’une superficie minimale de 20 m2 avec ≥ 0,1 haliotide/m2 et qui présentent l’ensemble des caractéristiques et attributs énumérés au tableau 2 (Sloan et Breen, 1988; Lessard et al., 2007; Lessard et Campbell, 2007). La densité sert à délimiter l’habitat essentiel, mais elle n’est pas considérée comme une caractéristique proprement dite de l’habitat essentiel. Les faibles densités peuvent exacerber le déclin de l’espèce en réduisant le succès de la fécondation de ce reproducteur qui disperse ses gamètes (effet d’Allee).

2.2.4 Fonctions, caractéristiques et attributs de l’habitat essentiel de l’haliotide pie

On observe généralement l’haliotide pie fixée aux rochers, aux blocs rocheux, au substrat rocheux ou à d’autres substrats stables à des profondeurs < 10 m ainsi que dans une colonne d’eau affichant un échange d’eau de mer de modéré à élevé. La présence d’un substrat primaire approprié permet à l’haliotide pie et aux macroalgues de se fixer, ces dernières représentant une caractéristique de l’habitat essentiel fournissant nourriture et abri aux adultes. L’haliotide pie a besoin d’une colonne d’eau dont la salinité est >30 ppt; on ne l’observe donc pas près des zones d’arrivée d’eau douce ou dans des habitats estuariens.

Les algues coralliennes représentent une caractéristique de l’habitat essentiel qui remplit plusieurs fonctions. La présence d’algues coralliennes est le principal facteur déclenchant l’établissement des larves d’haliotide pie, car ces algues fournissent de la nourriture aux juvéniles avant la transition vers un régime alimentaire composé de macroalgues. Ces algues fournissent également un abri et un camouflage aux adultes, tant par l’incorporation de pigments algaux pendant le développement de la coquille que par la croissance d’algues sur la surface de la coquille.

Les fonctions, les caractéristiques et les attributs de l’habitat essentiel sont résumés au tableau 2.

Tableau 2 . Fonctions, caractéristiques et attributs de l’habitat essentiel de l’haliotide pie
FONCTION CARACTÉRISTIQUE ATTRIBUT

Fixation

Abri

Substrat primaire

Un substrat rocheux ou des blocs rocheux dont la rugosité est adéquate sont nécessaires pour la fixation. Substrat secondaire : quelques galets peuvent être présents, mais peu ou aucun gravier, sédiment, sable, boue ou coquillage.

Profondeur <10 m (niveau de référence)

Fixation

Nourriture

Établissement des larves

Colonne d’eau

Salinité normale (>30 ppt; pas une faible salinité comme celle observée près de zones d’arrivée d’eau douce)

Échange d’eau de modéré à élevé (courant de marée ou action des vagues)

Nourriture

Établissement des larves

Abri

Algues coralliennes

Présence d’algues coralliennes encroûtantes (p. ex. Lithothamnium spp.)

Nourriture

Abri

Macroalgues

Présence de Nereocystis, Macrocystis, Pterygophora ou Laminaria spp.

Ces caractéristiques et attributs fournissent un habitat de grande qualité à l’haliotide pie, qui n’est toutefois pas nécessairement présente dans un habitat affichant certaines ou l’ensemble de ces caractéristiques.

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2.3 Exemples d’activités qui peuvent entraîner la destruction de l’habitat essentiel

La définition de travail actuelle de ce que constitue la destruction de l’habitat est donnée dans l’ébauche des « Politiques de la Loi sur les espèces en péril : cadre général de politiques » (2009), qui est affichée sur le site Web du Registre public des espèces en péril. Voici cette définition.

« La destruction est déterminée au cas par cas. On peut parler de destruction lorsqu’il y a dégradation d’une partie de l’habitat essentiel, soit de façon permanente ou temporaire, à un point tel que l’habitat essentiel n’est plus en mesure d’assurer ses fonctions lorsque exigé par l’espèce. La destruction peut découler d’une activité unique à un moment donné ou des effets cumulés d’une ou de plusieurs activités au fil du temps. Le programme de rétablissement ou le plan d’action fournira des exemples d’activités susceptibles de causer la destruction de l’habitat essentiel. »

Comme l’haliotide pie est généralement présente dans des habitats côtiers exposés et semi‑exposés peu propices à la majorité des aménagements côtiers, les types d’activités, de travaux ou d’aménagements susceptibles de détruire l’habitat essentiel de l’espèce sont relativement peu nombreux. La dégradation temporaire de l’une ou l’autre des caractéristiques de l’habitat essentiel n’entraînera pas nécessairement la destruction de l’habitat essentiel.

L’aquaculture, l’exploitation d’aires de flottage et de décharge de billes ainsi que le dragage peuvent altérer les caractéristiques et les attributs de l’habitat essentiel décrit ci-devant et peuvent entraîner la perte de fonctions. La construction de canalisations immergées, l’installation de câbles, l’enfoncement de pieux ou d’autres activités d’aménagement peuvent avoir des impacts semblables à ceux causés par le dragage (c.-à-d. perte du substrat primaire et possibilité d’augmentation de la sédimentation), et des mesures d’atténuation sont nécessaires si ces activités ont lieu dans des zones situées au sein de l’habitat essentiel désigné  (Lessard et al., 2007). Ces activités sont préoccupantes dans la mesure où elles pourraient entraîner une perte directe de l’habitat en enlevant ou en modifiant sensiblement le substrat primaire ou à cause de leurs effets sur la qualité de l’eau.

Lessard et al. (2007) considèrent que l’impact relatif de ces travaux ou aménagements est faible quand le protocole d’évaluation des impacts est respecté (annexe 4). En outre, les secteurs potentiellement touchés sont relativement petits dans les zones exposées aux vagues dans le secteur nord de la côte de la Colombie-Britannique et sur la côte ouest de l’île de Vancouver (COSEPAC, 2009), là où l’on a désigné l’habitat essentiel de l’haliotide pie (figure 3). Des exemples d’activités qui peuvent entraîner la destruction de l’habitat essentiel sont présentés au tableau 3.

Tableau 3. Exemples d’activités qui peuvent entraîner la destruction de l’habitat essentiel
Activité Séquence des effets Niveau de préoccupation Fonction touchée Caractéristique touchée Attribut touché

Dragage
Construction de canalisations immergées
Installation de câbles
Enfoncement de pieux

Perte directe de l’habitat découlant de l’enlèvement ou d’une modification importante du substrat primaire

Effets de la sédimentation

 

Faible

 

Fixation

 

Substrat primaire

Un substrat rocheux ou des blocs rocheux dont la rugosité est adéquate sont nécessaires pour la fixation. Substrat secondaire : quelques galets peuvent être présents, mais peu ou aucun gravier, sédiment, sable, boue ou coquillage.

Aquaculture

 

Augmentation de la sédimentation et changements physiques dans le substrat

 

Faible

 

Fixation

 

Substrat primaire

Un substrat rocheux ou des blocs rocheux dont la rugosité est adéquate sont nécessaires pour la fixation. Substrat secondaire : quelques galets peuvent être présents, mais peu ou aucun gravier, sédiment, sable, boue ou coquillage.

Exploitation d’aires de flottage
Exploitation de décharge de billes

L’ombrage peut modifier la structure de la communauté et la croissance des algues

 

 

Faible

Alimentation

Établissement des larves

Abri

Algues coralliennes

 

Macroalgues

Présence d’algues coralliennes encroûtantes (p. ex. Lithothamnium spp.)

Présence de Nereocystis, Macrocystis, Pterygophora or Laminaria spp.

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2.4 Mesures proposées pour protéger l’habitat essentiel

Conformément au paragraphe 58 (4) de la Loi sur les espèces en péril, le MPO compte prendre un arrêté de protection pour protéger l’habitat essentiel de l’haliotide pie.

Outre l’arrêté de protection, différents mécanismes concourent à protéger l’habitat essentiel. Les critères à respecter pour éviter la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat de l’haliotide pie sont appliqués dans le cadre d’un protocole spécialement conçu pour évaluer l’état de l’haliotide pie et assurer sa protection contre les ouvrages ou les entreprises sur l’eau, dans l’eau ou sous l’eau que l’on propose de réaliser dans des zones qu’occupe l’haliotide pie (Lessard et al., 2007, annexe 4). Ce protocole s’applique même aux situations où l’on a déjà mis en place des mesures additionnelles (atténuation des impacts sur l’habitat d’autres espèces) prévoyant l’interdiction de certaines activités (p. ex. dragage). Le protocole s’applique également aux travaux ou aménagements réalisés sur l’eau, dans l’eau ou sous l’eau devant faire l’objet d’une évaluation en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale.L’application cohérente de ce protocole permet d’atténuer les impacts sur l’habitat et l’habitat essentiel de l’haliotide pie.

Une partie importante de l’ensemble de l’habitat essentiel désigné de l’haliotide pie se trouve à l’intérieur des limites d’aires marines nationales de conservation (AMNC) et de réserves d’aire marine nationale de conservation (RAMNC). Le site de la RAMNC de Gwaii Haanas s’étend sur 10 km au large de la réserve de parc national et du site du patrimoine haïda Gwaii Haanas. Établie en vertu de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, cette zone est gérée pour permettre l’utilisation durable des ressources marines et est protégée des activités industrielles telles que l’immersion en mer ainsi que l’exploration et l’exploitation minières, pétrolières et gazières.

La Réserve de parc national du Canada Pacific Rim assure la protection de l’habitat essentiel de l’haliotide pie compris dans la baie Barkley, conformément à la Loi sur les parcs nationaux. La protection de la Réserve de parc national s’étend jusqu’à une profondeur de 20 mètres. Les aires patrimoniales protégées de Parcs Canada sont gérées pour promouvoir la protection de l’intégrité de l’écosystème et assurer la pérennité des populations naturelles par le truchement de mesures de maintien ou de rétablissement de la diversité génétique, de l’espèce ou de communautés indigènes locales. Des aires marines protégées (AMP) pourront aussi être établies dans l’avenir en vertu de la Loi sur les océans.

Le Programme d’intendance de l’habitat (PIH) d’Environnement Canada fournit du soutien à Coast Watch, un programme de surveillance communautaire qui s’occupe de l’éducation et de la sensibilisation du public ainsi que d’organiser des patrouilles de surveillance des haliotides afin de réduire la pêche illégale. Les communautés des Premières nations prennent une part active à ce programme.

L’habitat et l’habitat essentiel de l’haliotide pie sont protégés en vertu de la Loi sur les pêches. Selon le paragraphe 35(1), il est interdit d’exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson, sauf si une autorisation a été obtenue en vertu du paragraphe 35(2).

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