Plan d’action pour l’haliotide pie (Haliotis kamtschatkana) au Canada
1. Synthèse du Programme de rétablissement de 2007 et mise à jour
Le programme de rétablissement de l’haliotide pie de 2007 a permis de cerner les principales menaces contribuant au déclin de l’espèce au Canada. La pêche illégale demeure la menace la plus importante. Un faible recrutement dans une zone, lorsqu’il s’échelonne sur plusieurs années, accentue la menace qui pèse sur la population en ne permettant pas le renouvellement d’adultes reproducteurs morts de causes naturelles ou prélevés dans le cadre de pêches illégales. Parmi les autres menaces potentielles, mentionnons les pertes d’habitats dans des zones localisées où ont lieu des travaux ou des aménagements sur l’eau, dans l’eau ou sous l’eau sans qu’aucune réglementation ne soit appliquée, d’une part, et la prédation par les loutres de mer dans les zones où l’haliotide pie a déjà été fortement décimée, d’autre part.
Le but du rétablissement est d’augmenter la densité de la population pour qu’elle atteigne un niveau durable dans cinq zones biogéographiques6 (Haida Gwaii, détroits de la Reine-Charlotte et de Johnstone, secteurs nord et centre de la côte, bassin de Georgia et côte ouest de l’île de Vancouver) et faire en sorte que l’haliotide pie ne soit plus en voie de disparition. L’atteinte de ce but pourrait prendre plusieurs décennies.
L’habitat essentiel de l’haliotide pie n’a pas été désigné dans le programme de rétablissement. La désignation de l’habitat essentiel représente une composante importante des plans de recherche sur l’haliotide pie et de reconstitution des stocks.
En 2004, on a élaboré une ébauche de plan d’action national pour le rétablissement de l’haliotide pie fondée sur le programme de rétablissement adopté en 2002 en vertu de l’Accord pour la protection des espèces en péril. Ces deux documents reposaient en grande partie sur un programme de reconstitution des stocks lancé en 1999 et contenaient des conseils et des recommandations sur les mesures de rétablissement de l’haliotide pie en Colombie‑Britannique. Les ébauches du plan d’action national pour le rétablissement de l’haliotide pie de 2004 et du programme de rétablissement ont été affichées sur la page du site Web de Pêches et Océans Canada portant sur l’haliotide pie (ou ormeau nordique) (Ormeaux – Région du Pacifique). Ces documents ont aidé les membres du Groupe de mise en œuvre du rétablissement de l’haliotide à encadrer les mesures de rétablissement de l’haliotide pie. L’ébauche du plan d’action a été mise à jour en 2010 pour faire état des connaissances acquises et des exigences de la LEP. L’annexe II contient l’évaluation des mesures du rendement en fonction de l’approche utilisée qui sont décrites dans le programme de rétablissement de 2007 et dans l’ébauche de plan d’action national pour le rétablissement de l’haliotide pie de 2004.
1.1 Documents connexes
Le présent plan d’action met en œuvre le programme de rétablissement de l’haliotide pie (Haliotis kamtschatkana) au Canada (septembre 2007). Veuillez consulter ce programme pour obtenir une description de l’espèce et de plus amples renseignements sur sa population et sa répartition ainsi que sur les menaces qui pèsent sur elle.
1.2 Information sur l’évaluation de l’espèce provenant du COSEPAC
Date de l’évaluation : avril 2009
Nom commun (population) : haliotide pie
Nom scientifique : Haliotis kamtschatkana
Désignation du COSEPAC : en voie de disparition
Raison de la désignation :
Très prisé pour sa chair, ce mollusque marin est réparti de façon dispersée le long de la côte ouest canadienne. Malgré un moratoire complet sur la récolte, décrété en 1990, l’espèce a été désignée comme étant menacée en 2000. Le braconnage est la plus grande menace qui pèse sur l’espèce et continue d’entraîner une diminution de l’abondance de la population, surtout chez les individus de grande taille et plus féconds. Cependant, toutes les catégories de taille d’individus ont subi un déclin considérable au cours des trois dernières générations (c.-à-d. depuis 1978), le nombre d’individus matures ayant diminué de quelque 88 ou 89 %. Les faibles densités ont sans doute exacerbé le problème en réduisant le succès de fertilisation chez ce géniteur qui libère ses gamètes au hasard (l’effet d’Allee). Bien que des prédateurs, comme la population de loutres de mer en voie de rétablissement, ne sont pas responsables des récents déclins observés, ils peuvent éventuellement influer sur l’abondance future de l’espèce.
Présence au Canada : océan Pacifique
Historique de la désignation du COSEPAC :
Espèce désignée « menacée » en avril 1999. Réexamen et confirmation du statut en mai 2000. Réexamen du statut : l’espèce a été désignée « en voie de disparition » en avril 2009.
1.3 Description de l’espèce
L’haliotide est un mollusque marin apparenté aux escargots et aux buccins. L’haliotide pie, Haliotis kamtschatkana (Jonas, 1845) est l’une des quelque 56 espèces d’haliotide (Haliotis spp.) présentes dans le monde (Geiger et Poppe, 2000). H. kamtschatkana est appelée « pinto abalone » aux États-Unis, selon la tradition qui consiste à nommer les haliotides en fonction de leur couleur. En C.-B., le terme « ormeau nordique » est également utilisé, pour faire référence au fait qu’il s’agit de l’haliotide vivant le plus au nord (Sloan et Breen, 1988).
L’haliotide pie est constituée d’une coquille grumeleuse en forme d’oreille parsemée de taches rougeâtres à verdâtres comportant parfois des parties blanches et bleues. Une rainure se prolonge en parallèle à une rangée de trois à six pores respiratoires. L’intérieur de la coquille est d’un blanc nacré légèrement iridescent. Le pied proéminent de l’haliotide est habituellement d’un brun roux pâle et porte des tentacules appelés épipodes.
En raison de sa répartition très étendue, l’haliotide est désignée d’une façon particulière par la plupart des Premières nations le long du littoral (voir des exemples au tableau 1). Dans certains cas, comme dans la région de Haida Gwaii, elle a plusieurs noms dans différents dialectes haïdas (deux de ces noms sont mentionnés au tableau 1). Les Premières nations utilisent des noms différents pour désigner la coquille de l’haliotide ainsi que la coquille des différentes espèces d’haliotide.
Première nation | Nom de l’haliotide | Référence |
---|---|---|
Haida (Massett) | Gahlyaan | Rhonda Bell |
Haïda (Skidegate) | GalGahlyan | Programme d’immersion haïda de Skidegate (2007) |
Huu-ay-aht | ؟apsy’in | Bamfield Marine Sciences Centre, 2007 (cité dans COSEPAC, 2009) |
Heiltsuk | Ğatğ’ni’q | J. Carpenter, comm. pers., 2007 (cité dans COSEPAC, 2009) |
Manhousat | 7apts7in | Ellis et Swan, 1981 (cité dans COSEPAC, 2009) |
Nisga’a | Bilaa | Stewart, comm. pers., 2007 (cité dans COSEPAC, 2009) |
Tsimshian+ Français |
Bilhaa | Sm’algyax Language Committee, 2005 (cité dans COSEPAC, 2009) |
Haliotide pie | Registre public de la LEP |
+La nation Tsimshian inclut les Premières nations Kitasoo/Xaixais (Klemtu), Gitga’at (Hartley Bay), Kitselas, Kitkatla, Metlakatla, Kitsumkalulm et les Tribus alliées des Lax kw’alaams.
1.4 Rôle du savoir traditionnel des Premières nations dans les plans de rétablissement de la LEP
Le savoir traditionnel des Premières nations peut fournir des renseignements utiles pour les initiatives de gestion et de planification. En règle générale, les histoires orales favorisent la transmission de connaissances, d’expériences et d’observations au fil de plusieurs générations, ce qui permet d’établir des séries chronologiques et de dégager des tendances souvent antérieures à la recherche scientifique. De nombreux détenteurs du savoir traditionnel peuvent rapporter des observations écologiques fort détaillées faites par des hommes qui ont passé leur vie dans des milieux terrestres ou aquatiques naturels. Non seulement le savoir traditionnel peut-il souvent permettre de confirmer et de compléter les résultats de la recherche scientifique, mais son utilisation respectueuse associée à la participation concrète des Premières nations peut apporter de nouvelles informations et susciter des idées novatrices, ce qui pourrait améliorer grandement l’efficacité des efforts concertés déployés pour la planification du rétablissement et l’intendance de l’espèce.
L’étude sur le savoir traditionnel haïda lié au milieu marin (Haida Marine Traditional Knowledge [HMTK]) est un exemple d’initiative permettant de consigner le savoir traditionnel en vue d’éclairer la gestion intégrée de la zone côtière de la Colombie-Britannique (étude HMTK, participants et al., 2008)7. Dans le cadre du projet, on a consulté plus de 50 Haïdas sur leur connaissance de l’environnement marin. Au cours de l’étape de la recherche, qui a duré deux ans, les participants ont parlé d’environ 200 espèces marines et maritimes dans le cadre d’entrevues totalisant 120 heures d’enregistrements audio8. Parmi les renseignements écologiques recueillis sur l’haliotide pie, notons ceux portant sur la répartition de l’espèce et les zones de pêche traditionnelles, l’abondance de la population et les tendances démographiques, les associations d’espèces, le frai et la description des habitats.
L’inclusion de renseignements de cette nature dans les plans de rétablissement présente de nombreux avantages potentiels. Le défi consiste à trouver une façon d’inclure ces renseignements en se montrant sensible aux cultures et aux expériences des Premières nations tout en s’assurant que des mesures soient prises pour garantir la validité et la fiabilité de l’information. Dans le cas de l’haliotide pie, l’exercice est d’autant plus délicat que l’espèce a été déclarée en voie de disparition par le COSEPAC. Les membres de certaines communautés des Premières nations se montrent peu enclins à parler de l’haliotide pie et particulièrement de la répartition de l’espèce. Dans le cadre des travaux réalisés en vue d’intégrer davantage de connaissances approfondies issues du savoir traditionnel sur l’haliotide pie aux documents concernant le rétablissement, il importe de faire preuve de prévenance et de respecter les protocoles établis par chacune des Premières nations pour la consignation et le partage du savoir traditionnel. Par conséquent, il peut être préférable d’intégrer des connaissances localisées issues du savoir traditionnel sur l’haliotide pie plutôt que de tenter d’extrapoler ces renseignements à l’ensemble de la côte de la Colombie-Britannique. On a multiplié les initiatives pour intégrer de manière respectueuse et efficace le savoir traditionnel aux documents de planification du rétablissement des espèces en péril préparés par Pêches et Océans Canada; ces initiatives contribueront à éclairer les activités de planification et de rétablissement futures.
1.5 Importance culturelle
L’haliotide pie, aliment traditionnel de nombreuses Premières nations de la côte du Pacifique, n’est plus exploitable parce que la pêche a été interdite sur l’ensemble de la côte en raison de préoccupations importantes concernant la conservation de l’espèce (c.-à-d. abondance extrêmement faible et déclin insoutenable). L’haliotide pie était pêchée tout au long de l’année et sa chair était consommée fraîche (crue), séchée, fumée ou en conserve (étude Haida Marine Traditional Knowledge [HMTK], participants et al., 2008). Les coquilles d’haliotides (Haliotis spp.) trouvées dans les tertres côtiers démontrent le rôle important joué par l’espèce dans l’alimentation et la culture préhistoriques (Sloan, 2006). De plus, dans de nombreuses régions de la Colombie-Britannique, on utilisait des coquilles d’haliotide de Californie pour orner les vêtements de cérémonie et les objets d’art (Sloan, 2003). Comme dans le cas de nombreuses autres espèces, les Premières nations, notamment les Haïdas, ont pu compter sur l’haliotide et en ont été les gardiens dans le cadre d’une relation qui a évolué au fil d’innombrables générations (étude HTMK, participants et al., 2008). Pendant des milliers d’années, l’haliotide pie a été pêchée à des fins alimentaires dans la zone intertidale des rivages rocailleux de Haida Gwaii (Ellis et Wilson, 1981).
Selon une légende haïda, l’haliotide pie a été engendrée par le crapaud de l’ouest pendant l’« ère du corbeau » (k'áy gang). Les récits anciens ne font pas que relater les relations réciproques entre les animaux humains et non humains, ils illustrent aussi une compréhension de l’ordre naturel des choses et enseignent ce qu’il faut faire pour maintenir l’équilibre du monde (étude HMTK, participants et al., 2008; Kii7iljuus (Wilson) et Harris, 2005). Par exemple, selon les récits de création des Haïdas, ces derniers viendraient de la mer; leur histoire et leurs expériences sont donc intimement liées avec toutes les créatures de la mer. Les Haïdas sont donc imprégnés d’un profond respect lorsqu’ils les pêchent. Le gaspillage est considéré non seulement comme un manque de respect mais aussi comme de l’imprévoyance.
… souvent, nous ne remplissions que la moitié d’un sac et … nous gardions la récolte pendant un certain temps … nous allions d’un endroit à l’autre pour faire la cueillette de nourriture … grand-mère avait l’habitude de dire : « Ne prenez que ce dont vous avez besoin. Il n’est pas nécessaire d’en prendre plus. » Ainsi, nous étions très préoccupés par tout ce qui touche la conservation de la nature. Nous voulions nous assurer que nous aurions toujours suffisamment de nourriture. Je sais que grand-mère … nous disait toujours « N’en récoltez pas trop. Si vous en laissez derrière, il y en aura pour plus tard. » (participant à l’étude HMTK, mars 2007).
Dans le cas de l’haliotide, les méthodes de cueillette traditionnelles renforcent ce principe de conservation. Selon Ellis et Wilson (1981), les Haïdas pêchaient les haliotides à la main ou à l’aide d’un harpon à deux dents, appelé kíit'úu, qu’ils fabriquaient en fixant, avec de la ficelle faite de racine d’épinette, deux tiges d’arbrisseau (myrtille) aiguisées de chaque côté d’une longue perche d’épinette ou de genévrier rouge. Il fallait beaucoup d’habileté et de pratique pour arriver à pêcher l’haliotide à l’aide de cet instrument. En effet, il fallait harponner l’animal et l’arracher du rocher dans un seul mouvement pour éviter qu’il ne s’y agrippe avec son pied robuste. Par contre, s’il n’était pas harponné assez solidement, il risquait de tomber dans les profondeurs où il serait hors d’atteinte.
Traditionnellement, on pêchait l’haliotide lorsque la marée était extrêmement basse : « Le seul moment où on pouvait la pêcher, c’était à marée basse … quand la profondeur de l’eau était passée de 24 pi à zéro » (participant à l’étude HMTK, décembre 2008). « On ne ramassait que celles qui avait dépassé la laisse pour se réfugier dans le varech. Et on ne prenait rien d’autre dans l’eau … on ne plongeait pas pour aller les chercher. » (participant à l’étude HMTK, février 2009). Ces méthodes de pêche intertidale ont pu offrir un refuge aux haliotides pies, la partie de la population infralittorale (à plus de 2 m de profondeur) n’étant pas accessible (Jones et al., 2004). Une partie de la population était donc épargnée et pouvait se reproduire (ibid.).
À une certaine époque, les haliotides étaient si abondantes et si largement répandues qu’on pouvait les consommer fraîches et en mettre en conserve pour s’en faire des réserves ou en faire le troc (étude HMTK, participants et al., 2008; Jones et al., 2004). Les Haïdas échangeaient des haliotides avec des Premières nations de l’intérieur contre des shépherdies du Canada, des eulachons ou de la graisse d’eulachon (étude HMTK, participants et al., 2008). Toutefois, les participants à l’étude ont souvent mentionné que, plus récemment, ils pêchaient juste assez d’haliotides pour en faire un seul repas, une situation sans doute en partie attribuable au déclin constant de l’espèce. « Nous en étions très friands et nous la protégions. Mais depuis, elle a complètement disparu. » (participant à l’étude HMTK, octobre 2008). Pour nombre de participants à l’étude, le déclin généralisé de l’haliotide est perçu comme une perte immense.
Maintenant, nous ne pouvons plus pêcher l’haliotide. On pourrait sans doute dire : « Et alors, il reste tant d’autres espèces à récolter. » Mais à titre de travailleur de la santé comptant vingt-huit années d’expérience, je peux vous dire que j’ai eu l’honneur d’assister au passage dans l’autre vie de nombreux aînés. Le dernier souhait de beaucoup d’entre eux, notamment mon propre père, était de manger de l’haliotide. Ma mère biologique, qui n’avait jamais été particulièrement friande de ce mets en a demandé à la fin de sa vie. L’haliotide était à son meilleur aussitôt sortie de l’eau, tranchée mince. Le dernier mets traditionnel qu’une aînée haïda a demandé était de l’haliotide pie. Et je dois dire que cela m’attristait profondément de ne pouvoir lui en donner. Même si nous faisions tout en notre pouvoir pour réaliser leurs derniers souhaits, nous ne pouvions exaucer celui-là parce que l’haliotide pie avait été fortement surexploitée. (aîné haïda à Gaaysiigang – An Ocean Forum for Haida Gwaii, janvier 2009).
La disparition de l’haliotide dans l’alimentation traditionnelle représente une perte sur le plan tant nutritionnel que socioculturel (étude HMTK, participants et al., 2008). Aucune évaluation socioéconomique de la perte de l’haliotide comme ressource pour les Premières nations n’a été réalisée. Il importera à l’avenir de prendre en considération la longue expérience des Premières nations à l’égard de l’utilisation et de l’intendance de l’haliotide ainsi que les répercussions économiques de son déclin9. Dans de nombreuses communautés des Premières nations, le savoir traditionnel est transmis à la jeune génération par l’entremise d’expériences partagées. Or, actuellement, on ne peut plus enseigner aux jeunes les méthodes ancestrales pour trouver, pêcher et apprêter l’haliotide. Par conséquent, certains membres des générations plus jeunes n’ont jamais eu l’occasion de connaître ni de savourer cet aliment traditionnel (étude HMTK, participants et al., 2008).
1.6 Population et répartition
1.6.1 Population
Selon l’estimation de Withler et al. (2001), la seule qui ait été faite, la taille de la population effective pour l’haliotide pie en C.-B. était autrefois de 420 000 individus. Des relevés effectués aux sites repères au sud-est de Haida Gwaii et dans le secteur centre de la côte de la C.-B. ont permis de dégager des tendances générales à partir des séries chronologiques. Atkins et al. (2004) et Lessard et al. (2007) ont remarqué que la densité des haliotides pies adultes et de grande taille (longueur de coquille > 100 mm) a diminué plus rapidement que la densité des individus de petite taille.
Selon l’évaluation récente du COSEPAC (2009), la densité totale moyenne des haliotides aux sites repères dans le secteur centre de la côte est passée de 2,40 haliotides à 0,40 haliotide/m2 entre 1978 et 2006; pour Haida Gwaii, elle est passée de 2,22 haliotides à 0,43 haliotide/m2 entre 1978 et 2007. Durant les mêmes périodes, dans le secteur centre de la côte et pour Haida Gwaii, la densité moyenne des individus matures (LC ≥ 70 mm) a diminué de 2,13 haliotides à 0,23 haliotide/m2 et de 1,28 à 0,15 haliotide/m2 respectivement (COSEPAC, 2009), tandis que la densité moyenne des individus immatures est passée de 0,27 à 0,18 haliotide/m2 et de 1,39 à 0,27 haliotide/m2 respectivement. Toutes proportions gardées, la densité des haliotides adultes et de grande taille a diminué plus rapidement que la densité des individus de petite taille (Atkins et al., 2004; Lessard et al., 2007). Les diminutions des estimations de la densité pour toutes les catégories de taille étaient statistiquement significatives entre les derniers relevés et ceux effectués en 1978 (trois générations environ) (COSEPAC, 2009). Seules les estimations de la densité des individus adultes et des individus de grande taille provenant des relevés de 2006 ou de 2007 étaient considérablement moins élevées que les estimations provenant des relevés de 1989 ou de 1990 effectués juste avant la fermeture des pêches de l’haliotide pie. Le repli notable des densités d’haliotides pies adultes combiné à la diminution de la longueur de coquille moyenne depuis la fermeture des pêches laissent supposer une mortalité par la pêche sélective (braconnage) (COSEPAC, 2009).
Les Premières nations ont également été témoin de la chute importante de l’abondance des haliotides même dans des régions éloignées ayant déjà été très productives. Des recherches supplémentaires liées au savoir traditionnel concernant la population et la répartition des haliotides pies pourraient étoffer les relevés actuels et servir à l’élaboration de futurs relevés.
1.6.2 Répartition
L’haliotide pie est présente au large de la côte ouest de l’Amérique du Nord, dans la zone infralittorale peu profonde, le long de côtes rocheuses, dans des eaux exposées et semi-exposées. Son aire de répartition s’étend de Sitka Sound jusqu’à Turtle Bay, en Basse-Californie (McLean, 1966; Geiger, 1999). Au Canada, l’haliotide pie n’est présente que sur la côte du Pacifique. Les individus forment des groupes épars sur des substrats durs, dans la zone intertidale et la zone infralittorale peu profonde.
L’étude HMTK fait état de la présence de l’haliotide dans plusieurs secteurs de Haida Gwaii. La plupart des participants se rappellent que l’haliotide était très répandue à une certaine époque : « … les haliotides étaient habituellement très nombreuses près des récifs ... aujourd’hui, elles sont beaucoup plus rares ... » (participant à l’étude HMTK, mars 2007). On avait tendance à pêcher dans les zones particulièrement productives ou accessibles, les endroits les plus fréquentés étant des sites protégés situés à proximité de villages ou le long de routes (participant à l’étude HMTK, 2008). Ces sites sont les mieux connus; on pourrait y recueillir des observations sur la taille des groupes d’haliotides pies, la densité, les associations d’espèces et les habitats.
Figure 1. Aire de répartition mondiale de l’haliotide pie (carte reproduite avec l’autorisation du COSEPAC, 2009). Les aires de répartition possibles sont représentées en gras.
Figure 2. Aire de répartition canadienne de l’haliotide pie (carte reproduite avec l’autorisation du COSEPAC, 2009). Les aires de répartition possibles sont représentées en gras.
1.7 Menaces
La poursuite de la pêche illégale et les faibles niveaux de recrutement qui se maintiennent ont eu un impact prédominant et généralisé et sont considérés comme étant les menaces les plus importantes qui pèsent sur le rétablissement de l’haliotide pie (MPO, 2007; Lessard et al, 2007; COSEPAC, 2009). Selon les résultats préliminaires de la recherche menée conjointement par l’Agence Parcs Canada et Pêches et Océans Canada, une mortalité significative peut survenir au moment de la fixation des larves sur le fond et contribuer ainsi à réduire davantage les niveaux de recrutement (Agence Parcs Canada et MPO, données non publiées).
Le rétablissement de l’haliotide pie est également menacé par la prédation par la loutre de mer dans les zones où ces deux espèces cohabitent, par la perte et la dégradation de l’habitat résultant des travaux et des aménagements sous l’eau lorsqu’ils ne sont pas réglementés ainsi que par la vente illégale de l’haliotide pie sauvage sur le marché. L’on ne s’attend pas à ce que le changement climatique ait des effets directs sur l’espèce durant les prochaines années, car la Colombie-Britannique se situe bien à l’intérieur des limites de son aire de répartition mondiale (COSEPAC, 2009).
Pour en savoir davantage sur les menaces qui pèsent sur l’haliotide pie, se reporter au Programme de rétablissement de l’haliotide pie au Canada (2007) et au Rapport de situation du COSEPAC (2009).
1.8 Buts et objectifs en matière de population et de répartition pour le rétablissement de l’haliotide pie
Les buts et objectifs adoptés dans le cadre du Programme de rétablissement de l’haliotide pie au Canada (2007) sont énoncés ci-après.
1.8.1 Buts
Selon le programme de rétablissement, le but immédiat est :
d’arrêter le déclin de la population sauvage actuelle d’haliotides pies en C.-B. afin de réduire le risque que cette espèce devienne en voie de disparition;
et le but à long terme (pour les 30 prochaines années) est :
d’augmenter l’effectif et la densité de la population sauvage d’haliotides pies afin que l’espèce atteigne des niveaux durables dans cinq zones biogéographiques de la C.-B. (Haida Gwaii, détroits de la Reine-Charlotte et de Johnstone, secteurs nord et centre de la côte, bassin de Georgia, côte ouest de l’île de Vancouver) afin de faire en sorte que l’haliotide pie ne soit plus menacée.
En 2009, le COSEPAC a réévalué la situation de l’haliotide pie et l’a légalement inscrite en tant qu’espèce en voie de disparition en vertu de la LEP; le changement de la désignation légale de l’haliotide pie en vertu de la LEP est actuellement en cours d’examen. L’atteinte du but consistant à accroître l’effectif d’haliotides pies jusqu’à des niveaux durables pourrait prendre plusieurs décennies. Des efforts sont actuellement déployés pour atteindre les buts à court et à long terme par le truchement des mesures énoncées dans le présent plan d’action (tableau 4).
Par ailleurs, certaines Premières nations et des groupes d’intendance communautaires ont élaboré des objectifs propres à leur communauté qui viennent appuyer les buts du rétablissement et qui visent ultimement une utilisation durable de la ressource. Le but à long terme des plans d’action communautaires de la nation nisga’a (2007) et de la communauté de Haida Gwaii (2008) est de rétablir les populations d’haliotides jusqu’à ce que l’espèce atteigne des niveaux durables permettant de supporter la récolte locale à des fins alimentaires (voir la section 5, « Plans connexes », qui présente d’autres plans de rétablissement de l’haliotide pie au Canada).
1.8.2 Objectifs en matière de population et de répartition
Les objectifs en matière de population et de répartition adoptés dans le cadre du Programme de rétablissement de l’haliotide pie au Canada sont énoncés ci-après.
- S’assurer que les densités moyennes d’haliotides pies adultes de grande taille (longueur de coquille [LC] ≥ 100 mm) ne diminuent pas en deçà de 0,1 par m2 sur les sites repères étudiés à Haida Gwaii et dans les secteurs nord et centre de la côte et que le pourcentage des sites repères étudiés où l’on trouve des haliotides pies adultes de grande taille (LC ≥ 100 mm) ne diminue pas en deçà de 40 %.
- S’assurer que les estimations de la densité totale moyenne aux sites repères nouvellement établis dans les détroits de la Reine-Charlotte et de Johnstone ne diminuent pas sous les niveaux observés en 2004 (0,06 haliotide pie par m2 et 0,02 haliotide pie par m2 respectivement) et que les estimations de la densité totale moyenne pour la côte ouest de l’île de Vancouver ne diminuent pas sous le niveau observé en 2003 (0,09 haliotide pie par m2).
- S’assurer, aux sites repères (dans les zones sans loutres de mer), que le taux de mortalité annuelle estimée pour les haliotides adultes (LC ≥ 70 mm) diminue (< 0,20) et que les densités moyennes d’haliotides adultes (LC ≥ 70 mm) augmentent (≥ 0,32 par m2).
- S’assurer, aux sites repères (dans les zones sans loutres de mer), que la proportion des quadrats (m2) où l’on trouve des haliotides pies augmente (> 40 %).
Les objectifs 1 et 2 sont des mesures qui nous permettent de surveiller et de freiner le déclin de la population d’haliotides pies. L’objectif 1 est fondé sur les niveaux de 1990, lorsque toutes les pêches ont été fermées. L’objectif 2 est, quant à lui, fondé sur des relevés plus récents (menés au moment de l’élaboration du programme de rétablissement), aucune série chronologique plus longue n’étant disponible. Les objectifs 3 et 4 permettent de mesurer les progrès accomplis à l’égard du rétablissement (c.-à-d., population durable) d’après un modèle de la population d’haliotides pies (Lessard et al., 2006).
L’observation d’une augmentation (> 40 %) dans la proportion des quadrats ayant une seule haliotide pie (objectif 4) ne sera sans doute pas possible selon l’échéancier du présent plan d’action, car il faudrait que l’occurrence actuelle double. Cependant, cet objectif constitue la seule mesure dont on dispose présentement pour évaluer les changements dans la répartition éparse des haliotides pies sur une petite échelle.
On pourra raffiner les objectifs en matière de population et de répartition lorsque les connaissances seront meilleures, surtout celles ayant trait à la taille des groupes d’haliotides pies nécessaires pour le recrutement et aux effets des loutres de mer. Actuellement, nous ne disposons pas de renseignements suffisants pour établir des objectifs en matière de population et de répartition de l’haliotide dans les zones avec loutres de mer. Lorsque nous obtiendrons des renseignements additionnels, nous pourrons réévaluer et réviser les objectifs en matière de population et de répartition et les cibles de rétablissement.
6Cinq zones biogéographiques ont été cernées pour l’haliotide pie présente en C.-B. en fonction de considérations liées à l’environnement, à la gestion et à la biologie de l’espèce. Ces zones comprennent les eaux de la zone intertidale et la zone infralittorale entourant les zones terrestres suivantes : Haida Gwaii; les secteurs nord et centre de la côte de la C.‑B. (de Cape Caution vers le nord jusqu’à Prince Rupert inclusivement); les détroits de la Reine-Charlotte et de Johnstone (île Quadra [passe Seymour] au nord de Cape Caution); le bassin de Georgia (San Juan Point jusqu’à la passe Seymour, près de l’île Quadra); la côte ouest de l’île de Vancouver (de San Juan Point vers le nord jusqu’à Scott Islands).
7 L’étude HMTK ne représente qu’un exemple parmi beaucoup d’autres études sur le savoir traditionnel autochtone lié au milieu marin réalisées par les Premières nations du secteur nord, du secteur centre et d’autres secteurs de la côte de la Colombie-Britannique.
8 Voir l’étude HMTK, participants et al. (2008), pour obtenir des détails sur la méthodologie de l’étude.
9L’évaluation des répercussions socioéconomiques présentée à la section 4 du présent plan d’action est conforme à l’alinéa 49(1)e) de la LEP et est axée sur l’évaluation des mesures de rétablissement proposées dans le présent document.