Le Bécasseau maubèche est bien connu pour ses longues migrations depuis ses lieux de reproduction arctiques jusque dans le sud de l’Amérique du Sud et ailleurs. La population mondiale est en baisse. Trois sous-espèces du Bécasseau maubèche sont présentes au Canada : Calidris canutus rufa, C. c. islandica et C. c. roselaari. La sous-espèce rufa niche dans le centre de l'Arctique, de l’île de Baffin à l’est jusqu’à l’île Banks à l’ouest, et migre vers plusieurs régions pour hiverner : sud-est des États-Unis, nord-ouest du golfe du Mexique, côte nord-est du Brésil, côtes atlantiques de l’Argentine et du Chili, et Caraïbes. La sous-espèce islandica niche dans le nord-est de l’Extrême-Arctique canadien et dans l’Extrême-Arctique groenlandais, et migre vers l'Europe. La sous-espèce roselaari niche dans le nord de l'Alaska et à l’île Wrangel, en Russie, et hiverne sur la côte du Pacifique au Mexique et en Californie. Seulement un petit nombre de roselaari font halte dans la région côtière de la Colombie-Britannique durant la migration; la sous-espèce ne niche pas au Canada.
On pense que les trois sous-espèces ont connu des diminutions d’effectif, d’ampleur toutefois très variable; un grande incertitude règne à ce sujet. Des relevés aériens de la population de rufa réalisés dans les lieux d’hivernage de la Terre de Feu et de la Patagonie ont révélé des baisses d’effectif très marquées depuis leur début en 1982. Les individus de cette sous-espèce hivernant dans le nord du Brésil et le sud-est des États-Unis forment des populations biogéographiques distinctes qui seraient aussi en baisse. Les effectifs d’islandica dans les lieux d’hivernage ont fluctué considérablement, mais semblent avoir connu globalement peu de changement ou une légère diminution depuis le milieu des années 1980; on ne dispose toutefois pas d’information à ce sujet pour le Canada. Il n’existe pas de relevés systématiques pour la sous-espèce roselaari, mais des études concernant les hivernants laissent croire à une diminution de la population, en témoigne probablement le faible nombre d’oiseaux passant par le Canada. Somme toute, compte tenu de la différence de l’état des populations des deux sous-espèces les plus abondantes au Canada, la meilleure évaluation de l’état de la population de l’espèce dans son ensemble, par rapport aux années 1970, serait qu’elle a connu une diminution modérée, la fiabilité de cette évaluation étant jugée faible en raison des fortes fluctuations de la sous-espèce islandica et du fait que la proportion d’oiseaux canadiens dans les relevés européens demeure inconnue. Les fortes récoltes de mollusques dans des lieux d’hivernage et des haltes migratoires clés, ainsi que les changements climatiques, sont des menaces pour l’espèce. La sous-espèce rufa a été désignée en voie de disparition en raison de fortes baisses d’effectif (COSEPAC 2007f); les deux autres sous-espèces sont aussi inscrites à la Loi sur les espèces en péril en raison de baisses d’effectif à long terme. La responsabilité du Canada à l’égard de l’espèce dans son ensemble est jugée faible, mais il serait plus approprié de considérer la responsabilité à l’échelle des sous-espèces étant donné la variabilité les concernant, soit responsabilité très élevée pour rufa, modérée pour islandica, et faible pour roselaari. Cette espèce a été identifiée comme étant une priorité de conservation et/ou d’intendance dans une ou plusieurs stratégies régionales de conservation des oiseaux au Canada.
Les trois sous-espèces du Bécasseau maubèche sont de grands migrateurs. Les perturbations, la dégradation de l’habitat et la réduction des ressources alimentaires à des haltes migratoires clés pourraient compromettre la capacité des oiseaux de boucler leurs migrations annuelles avec succès (voir p. ex. Duijns et al. 2017). La chasse, légale ou illégale, dans les haltes migratoires et les lieux d’hivernage continue de menacer l’espèce, ainsi que d’autres oiseaux de rivage (ECCC 2017d). On s'attend à ce que les changements climatiques aient un effet négatif sur les oiseaux de rivage nichant dans l'Arctique, étant donné que leur stratégie de cycle vital prudente (taux de reproduction faible et longévité élevée) fait qu'il leur est difficile de s'adapter rapidement aux effets des changements climatiques accélérés qui touchent leur habitat de reproduction (Meltofte et al. 2007). Ces effets peuvent être notamment les suivants : assèchement des étangs de toundra (Stow et al. 2004, Smol et Douglas 2007), empiètement par les arbustes (Callaghan et al. 2005, Tape et Racine 2006), asynchronie entre émergence des insectes et éclosion des poussins (Tulp et Schekkerman 2008), phénomènes météorologiques inhabituels (Martin et Wiebe 2004, Tulp et Schekkerman 2006) et modifications de la pression de prédation. Pour obtenir de l’information sur le statut juridique des trois sous-espèces aux termes de la Loi sur les espèces en péril (LEP) et pour consulter les documents de rétablissement disponibles, veuillez vous reporter au Registre public des espèces en péril.
Des recherches intensives sont en cours concernant les causes des baisses d’effectif chez les Bécasseaux maubèches de la sous-espèce rufa, causes qui n’ont été à ce jour que partiellement élucidées. Durant la migration vers le nord, la majorité des rufa font halte dans la baie du Delaware, où la récolte de limules a réduit la disponibilité d’œufs de limules (COSEPAC 2007f), dont les oiseaux s’alimentent abondamment pour soutenir leurs longs périples. Le fait pour les oiseaux de ne pas atteindre un état corporel adéquat avant leur départ pour leurs lieux de reproduction arctiques a été lié à une réduction de leur performance migratoire, de leur succès reproductif et de leur survie (Baker et al. 2004, Duijns et al. 2017). Les restrictions visant la récolte de limules n’ont pas encore amélioré l’état de la population de la sous-espèce rufa, ni celui de la population de limules d’ailleurs (Dey et al. 2011). Peut-être en raison d’un épisode d’eaux froides, on a observé que la ponte a été grandement réduite chez les limules au printemps 2017, que les rufa au moment de leur départ présentaient les poids corporels les plus bas jamais enregistrés et que les effectifs d’oiseaux non reproducteurs ont été faibles à l’hiver 2017-2018 (L. Niles et al., données inédites).
La sous-espèce C. c. islandica hiverne sur les côtes européennes, où la récolte de mollusques a eu une incidence négative sur les populations. Le dragage mécanique des mollusques dans la partie néerlandaise de la mer des Wadden, ainsi que les récoltes effectuées ailleurs dans l’aire d’hivernage de la sous-espèce, réduisent la disponibilité de proies pour les oiseaux et pourraient réduire le taux de survie de ces grands migrateurs (Piersma 2006, COSEPAC 2007f).
Les Bécasseaux maubèches qui fréquentent la côte du Pacifique sont considérés comme appartenant à la sous-espèce C. c. roselaari, mais chez celle-ci, l’aire de reproduction et l’aire de répartition en période internuptiale de même que la connectivité entre les deux demeurent quelque peu incertaines (Carmona et al. 2013). Des modifications de l’habitat à des sites migratoires dans l’État de Washington y ont entraîné des baisses d’effectif (Buchanan 2003, Buchanan 2008). Les recherches en cours concernant la taille de la population et la connectivité migratoire devraient permettre d’améliorer la planification de la conservation de cette sous-espèce.
Environnement et Changement climatique Canada et ses partenaires ont mis au point des Stratégies régionales de conservation des oiseaux dans chacune des Régions de conservation des oiseaux (RCO) au Canada. Dans ces stratégies, une espèce est identifiée comme étant prioritaire pour une ou plusieurs des raisons suivantes :
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